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Ma vie de marin de commerce (Les marchandes d'amour)
Les marchandes d'amour
M/S Ville de Rouen, approche de Madagascar
Plus que deux jours de mer avant Tamatave, notre première escale après le départ du Havre, trente jours auparavant.
Certains déjà tiraient des plans sur la comète, sur telle ou telle fille qu'ils ramèneraient à bord, si la petite du dernier voyage serait encore libre cette fois-ci. Mais le Second capitaine en avait décidé autrement.
Responsable de la sécurité à bord, le Second avait tous les droits, mais ce que nous ne savions pas, c'est qu'en plus, il était homo, ce qui ne nous aurait pas dérangés en quoi que ce soit mais voilà, détestant fortement les femmes, il voulait nous en interdire "l'usage". Il n'avait pas trouvé mieux que de placarder partout dans les coursives, les carrés, des affiches signées de sa main, disant à peu près ceci :
Le Second capitaine.
Partout, il y en avait partout, rien à faire pour y échapper, il fallait se plier à la décision de ce pédé qui, après le Commandant, était le maître à bord.
L'arrivée à Tamatave se passa dans la morosité, ces demoiselles déjà sur le quai avant notre arrivée ne comprenaient pas que personne ne les fassent monter pour qu'elles puissent faire commerce de leurs charmes.
Le Second les appelaient "les marchandes d'amour ", nous leur avions trouvés un autre mot, plus explicite pour nous, "les assistantes sociales", car elles procuraient du bien aux marins.
Pour l'heure, marchandes d'amours ou assistantes sociales, cela nous faisait une belle jambe, pas le droit de toucher, il fallait descendre à terre, et faire notre petite affaire chez elles, mais tout le monde n'avait pas de permission pour cette première nuit d'escale. Nous verrions bien ce que nous apporterait demain.
Le deuxième maître après Dieu, pour vérifier que ses consignes avaient bien été respectées, rôdait lui-même dans les coursives pour surprendre quelques éventuels malins qui auraient voulu passer outre.
Il ne dut pas rôder toute la nuit car de bon matin nous fûmes réveillés par des éclats de voix inhabituels. Le Second était en prise avec une belle Doudou, venue on ne sait d'où, c'était justement ce que lui demandait notre empêcheur de bai...
-"Que fais-tu à bord, qui t'a fait monter, avec qui as-tu passé la nuit, salope? " La fille, peu habituée à ce genre de conversation, ne craignant pas les galons de son bourreau, répliquait de plus belle:
-"Tu me laisses toi, pourquoi tu m'emmerdes, t'es pédé ou quoi? (elle avait deviné toute seule) D'abord je suis madame Commandant, alors fous-moi la paix // "
Justement, le pacha dérangé aussi par les éclats de voix sortait de sa cabine.
-"Tiens chéri, lui lança-t-elle, dis à ce con qu'il me lâche, il commence à me courir".
Le Commandant, irrité par la scène, se devait de faire quelque chose, la sagesse ne l'emporta pas, il se mit du coté de la fille. Du coup, il engueula son Second, lui disant que son histoire d'affiches dans les coursives n'avait pas lieu d'être, et qu'il devait les retirer de suite, et surtout qu'il foute la paix à l'équipage.
Brave Commandant. Le Second, vexé ô combien par ces remontrances, s'enferma dans ses appartements et on n'endendit plus parler de lui pendant toute l'escale.
Dans les cinq minutes qui suivirent, les filles montèrent à bord, et la vie reprenait son cours normal.
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Ma vie de marin de commerce (Légendes et récits de...)
Légendes et récits de Madagascar
- La baignade
Cette histoire me fut contée par des Malgaches qui la tenaient des anciens.
Au début du siècle, deux familles nombreuses se baignaient sur une plage déserte. Tous dans l'eau s'en donnaient à cœur joie; soudain, c'est le drame, un requin passe et enlève un enfant dans sa gueule. C'est la débandade, tout le monde se retrouve sur la plage, et chacun compte les siens. Une des deux femmes se met à hurler, le manquant est à elle, de ses sept enfants, il ne lui en reste plus que six. L'autre mère, épargnée par le drame, rassemble ses huit enfants, et s'approchant de la maman en larmes, lui propose de choisir parmi les siens celui qui remplacera le disparu pour, de cette façon, avoir le même nombre d'enfants qu'elle.
Vraie ou fausse, cette légende est émouvante.
- l’avortement sauvage
Quand une jeune femme se retrouve enceinte, il y a deux cas de figure.
Si l'enfant est désiré, c'est le bon Dieu qui l'a voulu, alors on le garde, si malheureusement cette naissance est contestée, la solution finale est appliquée.
La personne avale un tube de quinine entier, et part à pied dans la brousse, un jour, deux jours ou plus jusqu'à épuisement. On s'écroule, et lorsque le bon Dieu veut bien que l'on reprenne ses esprits on rentre à la case, assurée de ne plus avoir de bébé dans le ventre. Très rarement le bon Dieu ne veut pas que l'on reprenne ses esprits, et on ne retrouve plus personne.
- Leur naïveté dépasse la fiction
De toutes les jeunes filles qui montaient à bord, il y en avait qui ne connaissaient rien à rien, et qui se retranchaient derrière leur bon Dieu.
A celles-ci justement quand on leur demandait une chose particulière au sujet de l'amour, leur refus n'avait rien à voir avec la vilaineté de la demande, mais avec la crainte que cela ne plaise à Dieu.
Un exemple précis pour vous éclairer. Demandant à ma ramate une fellation, elle me fit cette réponse traduisant bien le sujet:
-" Ça va pas non, je vais te faire ce que tu me demandes, et tu vas me cracher dans la bouche. Pour me punir, le bon Dieu va me faire un bébé dans la tête".
Au siècle dernier, cette réponse serait passée, mais nous étions dans les années soixante-dix et Madagascar était territoire français.
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Ma vie de marin de commerce (Une drôle de famille)
Une drôle de famille
Un bon copain
Un beau Sénégalais très grand, très fort, mais d'une gentillesse extrême. Il était aide-graisseur, sans qualification, mais utile pour tout le monde, chacun le demandait pour un travail où un seul individu ne suffisait pas à la tâche. Plusieurs fois, je le prenais pour visiter un moteur, alors que sans lui, il aurait fallu un palan pour soulager la charge. Il soulevait plus de cinquante kilos comme un rien, avec le sourire.
Je me risquais à lui demander si des fois, conscient de sa force, il en avait abusé.
-"Oh Maurice, tu sais, jamais plus je me battrai".
Et il me raconta.
-"Un jour, dans la case, mon petit frère m'embêtait, je lui ai juste mis une claque pour le calmer, il a été dans le coma pendant deux jours".
-"Et c'est depuis ce jour que tu as juré de ne plus te battre? "
-"Pas tout a fait, c'est plutôt à la suite de la volée que j'ai reçue de maman, pour avoir esquinté le petit, il m'a fallu huit jours pour m'en remettre".
Quelle famille ! !
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Ma vie de marin de commerce (A moi la légion)
Troupe de légionaires défilant à Paris pour le 14 Juillet |
A moi la légion
Le balaise
Ancien chauffeur de Bigeart dans la légion étrangère (entre autre), après son temps effectué, il s'était retrouvé graisseur sur les pétroliers.
Une vraie force de la nature, tous les matins au réveil, il descendait à la machine faire des pompes avec l'enclume montée sur le billot de bois. Près de deux cents kilos le tout. Il soulevait l'ensemble plusieurs fois à bout de bras, pour se mettre en forme, disait-il.
Dans les années cinquante, un de ses oncles était célèbre pour sa force également, il empêchait un petit avion de décoller en le retenant avec une corde tenue entre les dents, des wagons aussi étaient tirés par les mâchoires. Que des costauds dans la famille, valait mieux les avoir comme copains.
Dès que nous étions à Marseille, il quittait le bord pour un jour ou deux, il revenait sans prévenir. On apprit par hasard ce qu'il faisait pendant ces absences, car un jour il revint avec un poignard planté entre les deux épaules. Il errait dans les quartiers arabes, en cherchant la bagarre, souvenir de la légion, jusqu'au jour où la chance a mal tourné, et il ne dut son salut qu'à la fuite.
Depuis son incident comme il aime à le dire, son dos fait office de baromètre, quand ça le chatouille, le temps va changer.
Il goûta de la prison aussi, un jour qu'il pissait dans le port de Marseille (Brel chantait autre chose), un car de police passait par là, les deux pandores voulurent le réprimander. Il s'est fâché, et après avoir tabassé la force publique, il remit tout le monde dans le camion et poussa le véhicule à l'eau.
Il n'y pensait plus, mais peu de temps après, alors qu'il était accoudé à un bar, une vingtaine de flics l'ont encerclé en lui disant de rester calme sinon ils le tiraient comme un lapin. Ils le gardèrent deux mois.
-"Un mois par flic esquinté", lui expliqua le juge.
Dès les premiers jours, je m'en étais fait un ami, et il me le rendait bien. A chaque escale, nous sortions ensemble, il me disait toujours :
-« Maurice, si tu as un problème, hurle : 'A moi la légion', j'arrive ! ».
Jamais je n'eus besoin de son aide.
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Ma vie de marin de commerce (Histoire d'eau)
Ne pas confondre avec histoire d'O |
Histoires d'eau
- L'humour à bord existe aussi
Un matelot, après six mois passés en Afrique, télégraphie à son épouse le texte suivant: - "Arrive tel jour, prépare lit avec draps noirs".
L'épouse, peu regardante, fait ce qu'on lui demande. Son homme arrive comme prévu, et après les retrouvailles, au petit matin, elle demande quand même la raison de ce télégramme.
-"J'en avais tellement assez de faire l'amour avec des noires dans des draps blancs, que j'ai voulu changer un peu".
- Le tonneau
Tout marin ne connaissant pas l'histoire du tonneau n'est pas considéré comme un vrai marin.
Le tonneau fut inventé par des gens de mer qui un jour manquèrent de rustines pour leur poupée gonflable ou à qui les novices finirent par dire non.
Pour que tout le monde comprenne bien l'importance du tonneau dans la marine, voici une histoire très explicite.
Sur un cargo mixte, un homme embarque pour trente jours de mer, il n'y a aucune femme à bord. Il tient huit jours, mais l'abstinence sexuelle le travaille, il en parle au Commandant.
-"Tout est prévu abord pour ce genre de demande, lui répondit le seul maître à bord, pour cent francs, tel jour, telle heure, dans telle cabine, il y a un tonneau qui fera parfaitement votre affaire".
Le jour dit, on le dirige vers l'endroit indiqué, et effectivement, un tonneau au milieu de la pièce avec un trou à bonne hauteur... Il se sent soulagé, et cela lui permet de tenir encore huit jours, puis il retourne voir le pacha et demande une nouvelle visite à la fameuse cabine pour tel jour.
-"Ah ! non, lui répond le Commandant, vous ne pouvez pas, car tel jour, se sera a votre tour d'être dans... le tonneau".
- Une petite dernière pour clore ce chapitre
Après un long voyage, un marin rentre au bercail. Au moment de pousser la porte d'entrée, il entend des exclamations et des rires dans son appartement. Tendant l'oreille, il reconnaît la voix de sa femme et la devine en bonne compagnie. Écœuré, il s'éloigne et téléphone à ses beaux-parents habitant la même ville pour leur expliquer la situation.
-« Je ne comprends pas pleure-t-il, j'ai pourtant envoyé un télégramme annonçant mon arrivée ».
-« Attends tranquillement lui répondit-on, nous allons aux nouvelles et nous te rappelons, il doit certainement y avoir une explication ».
On le rappelle effectivement:
-«Je savais bien qu'il y avait une explication, ton télégramme, elle ne l'a jamais reçu ».
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