mauricelemarin
Ma vie de marin de commerce (Les pièges de la nuit)
Les pièges de la nuit
Certains comptent des moutons, d'autres...
Si la pédérastie est peu courante/ voire inexistante à bord, il n'en est pas de même pour l'alcoolisme. Beaucoup, sans être ivres à chaque instant, étaient classés dans les alcooliques, abusant trop de la divine bouteille.
Pour mon cas personnel, à part cette cuite qui, un soir sur l'Ile de
Par contre, certains collègues ne peuvent pas en dire autant. Témoin ce récit.
Sur l'Isara, le bosco nous posait un grave problème. Non connu comme buveur, chaque matin, il se réveillait complètement ivre, à tel point qu'il pouvait tout juste assurer son service.
Comment se pouvait-il que, à jeun le soir, il se réveillait bourré au petit matin ?
Lui- même ne semblait pas avoir de réponse à ce casse-tête.
Il fallut que, un matin, plus imbibé que les autres jours, nous ayons enfin la réponse, toute simple.
Les matelots qui, ce marin-là, ne voyant pas leur chef à l'heure à l'embauche, osèrent entrer dans sa cabine, le trouvèrent encore au lit, incapable de se lever. Le Commandant alerté ordonna une fouille complète de sa cabine, et ô surprise, sous son lit, des bouteilles de vin, certaines à moitié vides, d'autres pas encore ouvertes s'y trouvaient.
Notre homme, en guise de somnifère, se soignait au vin rouge, jusqu'au jour (pardon, jusqu'à cette nuit) où, abusant trop de sa médecine personnelle, fut incapable de se lever.
Le Commandant le débarqua au prochain port, pour faute grave.
Il aurait compté les moutons comme tout le monde, il serait encore parmi nous.
* Voir : chacun son tour
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Ma vie de marin de commerce (Les descentes Australiennes)
Les descentes Australiennes
Comme leur nom l'indique
Les syndicats de dockers australiens étaient dans les années soixante, les plus puissants du monde.
J'ai vu un jour dans un port à Sydney un bosco parler un peu trop fort à un chef docker qui n'avait pas l'air de comprendre nos méthodes pour un chargement pourtant classique. L'homme s'est vexé, il a juste levé la main et sur cette seule indication pour ses collègues, tout le monde à débrayé pendant vingt-quatre heures.
Rien n'y fit, les menaces du Commandant à la direction des dockers, l'agent de la compagnie qui essaya de parlementer avec les grévistes, rien. Ils nous firent même comprendre que vingt-quatre heures était la plus petite représaille, et que si l'on insistait trop, ils augmenteraient leur action. Ce fut même le bosco qui attrapa un blâme et le lendemain, tout rentra dans l'ordre.
Cette anecdote sur la puissance d'un syndicat pour vous expliquer que, dans les années cinquante, juste après la seconde guerre mondiale, déjà cette action syndicaliste servit pour la bonne cause.
Après la guerre donc, les cargos qui sortaient des chantiers navals avaient deux, trois et jusqu'à six cales. Grandes soutes immenses avec une très grande ouverture sur le pont, pour que les grues des quais puissent y plonger leur chargement en toute sécurité.
Ces ouvertures étaient la seule façon d'accéder aux cales, aussi bien pour les marchandises que pour les hommes qui descendaient dans le fond par une échelle en fer, soudée dans un coin du panneau donnant accès aux soutes.
C'était sans compter sur les Australiens qui, dès que le premier bateau arriva pour décharger et recharger ses cales, exigèrent que les navires soient équipés d'une descente autre que le panneau principal, non sécurisant à leurs yeux.
C'est ainsi que, petit à petit, tous les cargos qui devaient un jour ou l'autre passer par les ports d'Australie, revinrent aux chantiers navals, pour se faire rajouter cette fameuse descente australienne.
Elle est constituée d'un petit cabanon, rajouté entre chaque cale, sur le pont, et un escalier très pratique vous descend en toute sécurité jusqu'au fond.
La seule bonne chose de bien à mes yeux que firent les Australiens.
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Ma vie de marin de commerce (Le progrès n'a pas que du bond)
Le progrès n'a pas que du bon
L'ascenseur au Cockpit-Hôtel
Dans le tome un et également dans ce tome deux, je parle de l'hôtel où, à Singapour, dans l'attente d'un avion pour regagner l'Europe, nous sommes restés plusieurs nuits.
Palace immense, où les étages étaient desservis par des ascenseurs ultramodernes, à commande par touches extra-sensitives.
Il suffisait à peine d'effleurer le bouton de l'étage où l'on désirait se rendre pour le faire démarrer.
Mais voilà, cette nouveauté pour l'époque était basée sur la conductibilité de l'individu par rapport à la masse (le sol).
En effet, les boutons étaient actifs dès que quelqu'un appuyait dessus. Le circuit se bouclait entre la personne et le sol.
Un après-midi, le repas terminé, je veux regagner ma chambre au dixième étage. Je remarque devant l'ascenseur, une vieille dame du pays qui s'énerve en essayant d'appeler la cabine: elle a beau appuyer de toutes ses forces sur les boutons, rien à faire. Son corps n'assure plus la connexion nécessaire, et de plus, de grosses bottes de cuir l'en isolent encore plus, empêchant la manœuvre.
Je prends pitié de cette femme et, me tenant juste derrière elle, j'effleure du bout des doigts le bouton qu'elle s'efforce en vain d'appeler. Ô miracle, quelques secondes se passent et la porte s'ouvre.
Non seulement elle ne me remercie pas (ce que d'ailleurs je n'attendais pas), mais elle me lance un regard foudroyant qui voulait dire: espèce de sale européen qui a surpris une fille du soleil levant dans l'embarras.
Encore heureux qu'elle ne se soit pas fait hara-kiri.
Soyez aimable, on vous le rendra !
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Ma vie de marin de commerce (La douane à bord)
La douane à bord
Métier dangereux
Ne pas parler de douane alors que j'ai fait des dizaines d'escales dans le monde entier serait injuste, voici l'oubli réparé.
Dès que nous arrivions dans un nouveau port, toutes les denrées de la cambuse étaient répertoriées sur un registre, alcools et cigarettes compris.
Toute cartouche de paquets de cigarettes entamée pouvait être gardée, ainsi que toute bouteille d'alcool ouverte. Tout le surplus était enfermé dans ce que l'on appelait "la blague". C'est le maître d'hôtel qui était chargé de ce travail.
Lorsque ces messieurs montaient à bord, on savait dès les premiers instants s'ils venaient faire leur travail de routine obligatoire ou s'ils venaient dans l'intention de nous embêter.
Quand toute l'équipe se dirigeait vers le bar, le maître d'hôtel leur servait ce qu'ils demandaient et, une demi-heure plus tard, tous quittaient le bord avec les papiers signés de la petite visite de politesse.
Mais, si à peine à bord, des groupes se formaient: trois dans la machine, trois dans les coursives officiers et le reste pour nous, l'équipage, alors là, on était assurés d'avoir une fouille complète, sans aucune indulgence.
Ce genre de mission suprême était quand même assez rare et, par habitude, on savait pourquoi cela arrivait: soit que les supérieurs demandaient de temps en temps de faire du zèle, soit que dans le secteur où l'on se trouvait, un trafic de drogue, de cigarettes ou encore d'alcool avait ou était en train de se faire démanteler.
Quand nous avions droit à la fouille complète avec chaque recoin examiné avec minutie, on se vengeait comme on pouvait.
En prévision, nous préparions des pièges dans la machine. Des caisses à huile montées sur pieds avec des niveaux en verre servaient d'appâts.
On vidangeait les niveaux, les arrivées étaient bouchées avec de l'étoupe pour empêcher qu'ils ne se remplissent. Par terre autour de la caisse, des pas de chaussures grasses étaient visibles. Le douanier croyait que cette caisse avait été vidée de son contenu initial et servait de planque pour cacher alcool ou cigarettes et, sûr de son coup, il dévissait fébrilement la plaque latérale du réservoir, pour... recevoir cinquante litres d'huile sur les pieds.
Si vraiment on voulait se servir de cette caisse comme cachette, nous procédions à l'opération inverse. La caisse était proprement vidée, les niveaux par contre étaient remplis, et nous avions ainsi une cachette pour planquer différentes choses que les douaniers nous auraient confisquées avec forte amende s'ils les avaient découvertes dans nos cabines.
La fraude n'était pas bien méchante; des cigarettes que nous vendions en douce à terre, lorsque le prix officiel était exorbitant. En les vendant trois fois plus cher que ce que nous les avions achetées, les gens les payaient encore deux fois moins cher que le prix réel. Tout le monde y trouvait donc son compte.
La drogue, dans les années soixante n'avait pas encore atteint l'ampleur de maintenant, de toute façon, personne ne se risquait à des choses si graves. Le marin, quoi que l'on en dise, avait une certaine moralité.
Aussi pour débarquer dans les pays étrangers, au passage de la douane, il ne fallait pas hésiter. Plus nous étions sûrs de nous, moins on risquait de se faire arrêter pour trafic illicite pendant la fouille des bagages.
J'avais, dans les débuts de ma navigation acheté aux Pays-Bas, un ensemble radio-magnéto-électrophone portable. En douane, j'aurais payé une petite fortune pour le ramener en France, alors, je me suis offert en plus un petit transistor sans aucune valeur, et chaque fois que je débarquais, j'allais de moi-même voir les douaniers, en leur disant que je possédais un objet à déclarer. Je leur montrais la facture du petit transistor en leur demandant s'ils voulaient le voir. Jamais personne ne me fit déballer mes bagages, qui contenaient le gros combiné.
Une fois même, on me signala que je n'avais pas à déranger la douane pour une si petite chose.
L'audace paie toujours.
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Ma vie de marin de commerce (La blague malsaine)
La blague malsaine
L' njure suprême
Sur tous les bateaux, le bruit dans la machine est insupportable et, pour se taire comprendre, il faut soit s'expliquer par gestes soit hurler.
Il était donc très facile dans ces conditions de surprendre quelqu'un qui ne vous entendait pas venir. C'est ce que fit un jour un graisseur vis-à-vis d'un collègue.
Cet autre, avait toujours l'habitude de se mettre les mains dans le dos, en faisant ses rondes de machine.
La tentation fut trop forte pour l'arrivant; il s'approcha doucement du collègue et, se défroquant, lui mit dans les mains... " Son service trois pièces".
L'autre ne se retourna pas tout de suite, il tâta d'abord ce qui lui arrivait dans les mains et, après quelques secondes de palpage et d'hésitation, reconnaissant enfin le cadeau qui lui tombait du ciel, hurla et, s'emparant d'une hache d'incendie, se jeta sur le fautif pour lui expliquer comment il avait apprécié la blague.
Le plaisantin ne dut son salut qu'à la fuite. Alors que l'agressé poursuivait l'agresseur avec sa hache brandie, il se calma enfin, à la grande satisfaction du petit malin qui croyait sa dernière heure arrivée.
Mourir à coups de hache pour un zizi, est-ce bien raisonnable
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