mauricelemarin
Ma vie de marin de commerce (Les Drags Queens avant la mode)
Les drags Queens avant la mode
Jeux innocents
En tant que Maître-électricien, j'avais tout le temps besoin de chiffons propres pour visiter mes moteurs, nettoyer mes armoires électriques ou autres.
Une des premières choses que je faisais en montant à bord, était de demander au maître d'hôtel de vieux draps, que je coupais en une vingtaine de petits chiffons blancs.
Mais le stock s'épuisait vite, les graisseurs en consommaient aussi, sans compter les officiers-machine qui arboraient tous dans la poche arrière de leur bleu de chauffe, l'éternel chiffon blanc, qui servait à caler la lampe torche.
De temps en temps, nous étions obligés, en même temps que des commandes de vivres, de nous approvisionner en ballots de chiffons.
Suivant le lieu de provenance, ces ballots contenaient différentes choses, que nous devions trier pour obtenir ce qui nous semblait le mieux approprié pour notre usage.
Les meilleurs pour moi étaient ceux que nous recevions du Japon, car presque tout le stock était constitué de cotons des plus solides, mais surtout d'effets divers: jupes, robes, kimonos, vestes, costumes trois pièces.
Une fois que nous avions sélectionné les bonnes choses pour l'usage initial, il nous restait quantité de vieilles fringues que l'on mettait de côté, pour... se déguiser, faire les fous avec la gente féminine des différents ports.
Notre imagination débordante n'avait pas de limite. Nous inversions les rôles à savoir: les filles étaient affublées de vêtements d'homme, tandis que nous, les mâles, on s'efforçait d'enfiler des robes, des jupes beaucoup trop petites pour nous.
Imaginez amis lecteurs, votre serviteur: cent kilos à l'époque, un mètre quatre-vingt-douze, en robe décolletée, hauts talons et faux seins.
Défense de rire.
On s'amuse comme on peut.
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Ma vie de marin de commerce (Les Norvégiens)
Les Norvégiens
Boire ou travailler...
Sur le Magdala, en prévision de l'installation future de gaz inertes que la compagnie se devait d'installer sur tous les pétroliers de plus de cent mille tonnes de chargement, une équipe d'ouvriers civils embarqua un beau jour avec nous pour dresser les plans, métrer et faire une liste succincte de tout le matériel nécessaire pour le chantier à venir.
Cette équipe d'une demi-douzaine de personnes, tous des Norvégiens, était logée dans les étages des officiers car, du chef au moins gradé, nous avions quand même à faire à des ouvriers plus que qualifiés, ce travail demandant beaucoup de connaissances professionnelles.
Cette petite communauté rajoutée ne nous gênait pas le moins du monde au contraire (embarquée au Havre, elle devait nous quitter quinze jours plus tard au Cap), car le soir après leur travail, ils se joignaient à nous au bar, et malgré la langue différente, chacun se forçait pour communiquer.
Le voyage aurait dû bien se passer avec nos invités, mais le Commandant, qui pourtant n'avait aucun droit sur eux, n'admettant pas que ces messieurs abusent trop de boisson, un beau jour leur coupa les vivres, pardon les bouteilles. Il ordonna au Maître d'hôtel de ne plus servir de boissons alcoolisées, et surtout de ne plus leur vendre d'alcool. Seules les boissons offertes au bar avant de passer à table étaient tolérées.
Il est vrai que, chaque soir, jusqu'à tard dans la nuit, nos Norvégiens s'adonnaient au penchant de la divine bouteille, sans toutefois déranger le reste de l'équipage. Pour leur décharge, il est vrai que, dès le lever, toute l'équipe était au travail, dégrisée.
Le Commandant, fort de son pouvoir, croyait avoir gagné, mais le responsable des ouvriers civils envoya un télégramme à sa compagnie pour expliquer les désagréments qu'on leur faisait subir. La réponse ne se fit pas attendre, l'armateur, alerté par le directeur de nos ouvriers passagers passa un savon au Commandant, lui demandant de ne pas s'occuper de ce qu'ils faisaient après le travail, et surtout de leur servir tout ce qu'ils demandaient.
Dès le lendemain de cette intervention des autorités, les Norvégiens bons princes offrirent à tout le bord une tournée générale, et le Commandant n'osa pas se dérober.
Le reste du voyage se passa sans autre incident.
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Ma vie de marin de commerce (Le chef mécano foldinque)
Le chef mécano foldingue
Raisonnement de fou
II était quand même très rare de voir des gens à bord péter les plombs, mais malheureusement cela arrivait parfois.
Certains, allant jusqu'au bout de leur folie se jetaient par-dessus bord*, d'autres, petite fatigue passagère, tenaient des propos incohérents.
Quand cela venait d'un Chef mécanicien, l'affaire devenait risible.
Sur le S/T Blois, compagnie de
Dans les ateliers, une machine outil, appelée étau-limeur, nous permettait de scier, sans aucune fatigue, des barres d'acier de grosses tailles. La pièce à travailler était fixée sur cette machine et une scie entièrement automatique se mettait en mouvement et tronçonnait le métal.
Quelqu'un devait de temps en temps verser sur l’axe de coupe un liquide pour éviter une surchauffe excessive de la scie, laquelle, en l'absence de ce produit, pouvait endommager la machine. Et encore, certains métaux doux se passaient de ce lubrifiant; de cette façon, l'appareil pouvait travailler à votre place des heures durant sans aucun risque ni surveillance.
Un jour donc, la machine, calée pour débiter des rondins d'acier marchait toute seule. Le chef mécanicien, en visite à l'atelier, n'en croit pas ses yeux: un engin, seul, en train de scier, sans personne autour pour surveiller.
Il convoque tout le personnel présent, et nous tient ce langage:
-"Comment est-ce possible? cette machine qui scie, qui scie, et ensuite, quand elle aura tout scié, il n'y aura personne pour la stopper, elle sciera le bateau en deux, le bateau va couler, l'armateur demandera au chef : où est passé le bateau que je vous avais confié?, je répondrais je ne sais pas monsieur l'armateur, il n'y avait personne pour surveiller, je suis désolé monsieur l'armateur, cela ne se reproduira plus monsieur l'armateur".
On en a enfermés pour moins que cela! Pauvre chef, il nous fit ses adieux au premier port touché.
Grosse fatigue? Responsabilités trop importantes? Folie douce naissante? Éloignement des siens trop prenant? Un petit peu de tout cela?
Le premier qui trouve a gagné.
* Voir les suicidés, première partie du blog.
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Ma vie de marin de commerce (Les surnoms)
Les surnoms
Le Pacha, le bosco, le nono et les autres
Qui, dans sa vie n'a jamais un jour ou l'autre été appelé par un sobriquet, un surnom ou autre chose que son vrai nom ou prénom, pas vrai, Raymonde*?
Sur les bateaux en général, et en particulier ceux de
Grandeur oblige, le Commandant. C'est la personne qui a le plus haut grade sur un bâtiment maritime. Commandant est déjà un surnom, car en fait, c'est un capitaine, le même grade que le second capitaine, ou les lieutenants-pont. La seule différence est que, soit par ancienneté dans la marine, l'âge, la compétence ou encore la décision de l'armateur, il prend le commandement du navire, donc on l'appelle:
LE COMMANDANT.
Appelé aussi plus familièrement le Pacha, le vieux. Plus rarement tonton. Mais quand c'est une tata (c'est arrivé une fois (voir le tome un "les marchandes d'amour"), on lui donne tous les autres surnoms, sauf tonton ( pas de provocation).
Juste en-dessous, vient le second capitaine, même grade que le pacha, mais pas encore commandant, en attente de commandement de navire, formé par le commandant en titre. Appelé familièrement le Pitaine.
Pour nous autres, le fait de dire : je vais voir le Pitaine, signifiait bien que ce n'était pas le Pacha, mais juste le grade en dessous.
Les lieutenants-pont, mêmes études que les deux premiers, mais les années d'expérience manquant, ils leurs faudra attendre assez longtemps encore pour passer second, puis Commandant.
La logique aidant, un lieutenant-pont, s'il fait carrière durant toute sa vie dans la marine, qu’elle soit au long court ou de cabotage, est assuré, un jour, de monter en grade, contrairement à l'armée de terre, où l’on a vu des adjudants ( des juteux) rester ainsi toute leur carrière militaire.
Les lieutenants-pont, comme les lieutenants-machine d'ailleurs, sont des ‘mulets’,du ‘bétail’ pour certains Commandants qui ne se rappellent pas avoir été un jour simple lieutenant.
Passons maintenant au service cuisine.
Contrairement à ce que pourraient croire les non-navigants, lorsque l'on parle du "patron", ce n'est pas le Commandant, mais le maître d'hôtel, car c'est lui le responsable de la nourriture à bord. C'est lui qui nous donne à manger, donc c'est notre patron. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Les garçons de cuisine, du commandant ou des officiers, sont les larbins, mais cette appellation n'est pas que pour la marine, les terriens aussi ont leurs "larbins".
Le boulanger, appelé "la boulange" ne surprendra personne. On continue.
Bosco, nono, tout le monde aura compris le plus haut gradé de l'équipage, et le plus petit.
Les maîtres, électricien comme moi ou machine, n'avaient pas de surnoms disons officiels. Suivant les bateaux, on m'appelait "fusible", ou "le disjoncté ", sans commentaires.
Parlons maintenant des surnoms occasionnels, ceux que l'on donnait à un individu pour un voyage, comme ça, pour le plaisir, ou pour un détail de son physique qui se remarquait le plus.
C'est ainsi que nous avons eu un "loucheux", "un grigne-dents" (à côté de lui, Jeannot-lapin avait de belles dents), "un végétarien" (héros d'une histoire dans le premier livre), "un distributeur de suppositoires" (!'officier-pont chargé des médicaments), "l'homme de barre" (chaque matelot de quart passant ses quatre heures à la passerelle à diriger le navire).
Sur l'îsara, le graisseur préposé au ramonage des chaudières ne rigolait que lorsqu'il se brûlait, et encore. On l'avait surnommé "sourire d'avril", allez savoir pourquoi, peut-être parce que, embarqué au mois d'avril sur le bateau, la première fois qu'il a rigolé, surprenant ainsi tout le monde, nous lui avons donné ce sobriquet.
Un autre, se nommant Pichavant, buvant comme un trou, s'est retrouvé affublé d'un "Pichet-à-vin" (raccourci : Pichavin) qui, je crois, lui est resté toute sa vie.
Quant à moi, depuis la sortie de mon premier livre, un journaliste osa commenter son interview par ce gros titre:
HUIT ANNEES DE MARINE AVEC LE RENARD DES MERS.
Qui dit mieux ?
*Raymonde : Note tout à fait personnelle: seule l'intéressée se reconnaîtra.
Ma vie de marin de commerce (Des journées de 25 heures)
Fuseaux dans le monde |
Des journées de 25 heures
Le mystère des fuseaux horaires
Peu de personnes au monde peuvent se vanter de choses bizarres qu'ils ont vécues ou qui leur sont arrivées.
Pour ma part pendant mes huit années de marine à cause des fuseaux horaires, il m'arriva ceci.
Partis du Havre, nous devions rejoindre Madagascar, en passant par le canal de Panama, nous naviguions donc à contre-sens des fuseaux horaires. De ce fait, pour respecter à bord le cycle des jours et des nuits, c'est-à-dire pour ne pas se trouver en heure de nuit le jour, et vice-versa, nous étions obligés de reculer nos pendules d'une heure toutes les vingt-quatre heures.
Nous étions donc de la sorte, toujours à la bonne heure par rapport au soleil. Pour retrouver l'heure correcte de notre fuseau de départ, nous aurions dû faire le trajet inverse. Mais, en avançant comme nous le faisions en tournant autour de la terre sans revenir sur nos pas, nous avions un jour fictif d'avance. Le Commandant nous expliqua qu'au lieu d'être lundi (nous avions des journées de vingt-cinq heures), nous serions mardi en réalité le lendemain car les vingt-quatre heures de ce lundi, nous les avions "mangées" en vingt-quatre fois une heure, depuis notre départ de France, au début du voyage.
Cette circonstance était assez rare, car presque toujours, quand nous partions de France, soit on montait vers le Nord, soit on descendait sur l'Afrique, on revenait dans l'Est ou dans l'Ouest. Ce qui fait que, si nous étions obligés de changer de fuseaux horaires, au retour d'un voyage avant de repartir dans une autre direction, on récupérait les fuseaux en partant dans le sens inverse.
Pratiquement jamais le tour du monde n'était effectué dans le même sens, tant et si bien que cette histoire de vingt-cinquième heure toutes les vingt-quatre pour suivre le soleil ne m'est arrivée qu'une seule fois.
Ne me demandez pas de vous expliquer à nouveau ce phénomène, j'en serais incapable.
A votre tour de vous casser la tête si vous voulez comprendre par vous-même.
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les officiers les plus importants sont quatre :le commandant et le chef-mecanicien (tous deux en 20eme categorie ) et leur adjoint (second capitaine et chef-adjoint ) sur les petroliers de 1980, ils avaient leur salle a manger particuliere......
Dans ces recit , on ne voit que le commandant et le fusible , pauvre bateau,comment marcherait-il ?......