mauricelemarin
Ma vie de marin de commerce (Le paillasson)
Le paillasson
Le sol russe
De toutes les histoires racontées dans ces deux tomes de recueil, seule celle-ci, toute vraie soit-elle, n'a pas eu lieu au court de mes dix-sept embarquements, mais m'a été racontée, ce qui n'enlève en rien son authenticité, je vous le garantis.
Un cargo des messageries maritimes, pour je ne sais quel transport de fret, se trouve donc amarré dans un port russe.
A peine la manœuvre terminée, des officiels russes (les fameux commissaires du peuple), montent à bord, souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants d'une part, et surtout pour dire au Commandant dans un français impeccable :
-"Monsieur l'officier français, vous voudriez bien s'il vous plaît mettre le plus rapidement possible un paillasson, en bas de la coupée (passerelle)".
Le Commandant, n'ayant pas bien compris le sens exact de cette phrase, leur répond que cela n'est pas bien grave, même si les allées et venues des gens montant ou descendant cette fameuse coupée salissaient quelque peu le bateau, le personnel du bord était là pour nettoyer.
Il s'entend répondre, sans aucun énervement ni animosité de la part de son interlocuteur
-« Vous m'avez mal compris, monsieur l'officier français, si je vous demande de mettre un paillasson en bas de votre coupée, c'est pour que vous et vos gens, en descendant à terre, ne souilliez pas notre belle terre russe».
"L'officier français" fit comme si cela lui paraissait normal, ordonna au bosco de mettre un paillasson en bas de la coupée, et nos deux officiers russes quittèrent le bord, enchantés que leur ordre fût si bien exécuté.
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Ma vie de marin de commerce (Les femmes de marins)
Les femmes de marins
Toute vérité n'est pas bonne à dire
De bateaux en bateaux, d'équipages en équipages, on apprend des tas de choses sur les autres, choses plus ou moins réelles, mais avec un peu de jugeote, de recoupement, on arrive à se faire une idée de ce qui est juste, et de ce qui est faux.
Un jour, à table (le nom du bateau n'a pas d'importance pour ce récit) deux matelots parlaient d'un troisième, qui n'était pas du voyage.
-"Quand on pense que sa femme, chaque fois qu'il l'envoyait ramasser des champignons, en ramenait deux grands paniers pleins, alors que la mienne, dans le même coin, avait failli recevoir des coups de fusil du garde, car l'endroit était interdit aux promeneurs. Et bien tu ne sauras jamais ce qu'il m'a répondu?"
L'autre n'en perdait pas une miette :
-"Vas-y raconte, qu'est-ce-qu'il pouvait bien te répondre?"
-"Il me répond comme ça : je m'en fous qu'elle les ramasse sur le ventre ou sur le dos, pourvu qu'elle m'en ramène !"
Qu'importent les moyens pourvu que cela rapporte î
- Cet autre marin, fier de sa cave, pleine de bons crus, qui disait à table, à terre, un jour qu'il recevait des invités, à un copain qui prétendait lutiner sa femme presque sous ses yeux :
-"Touche à ma femme si tu veux, mais pas à ma cave".
On continue
Les matelots qualifiés sont un jour ou l'autre destinés à devenir bosco (maître d'équipage), sommet de leur carrière.
Quand certains, voyant que la promotion tardait à venir, n'hésitaient pas à envoyer leur femme chez l'armateur, une motte de beurre sous le bras gauche, un poulet sous le bras droit et,... la petite culotte dans le sac à main.
Qu'importent les moyens, pourvu que cela rapporte ...bis !!
Pour terminer
Dans mes débuts à
Les voyages étaient longs. Il nous fallait dix jours pour charger un navire en France, trente jours minimum de traversée pour rallier Madagascar, dix jours à nouveau pour décharger, comme on ne revenait jamais à vide, encore autant pour emplir le navire, et le retour en trente jours également.
Dans ces conditions, un voyage se faisait en près de quatre mois minimum, car je dois rajouter quelques jours à l'aller et au retour pour faire le plein de mazout.
Certains matelots demandaient à repartir pour un deuxième tour, ce qui faisait sept à huit mois d'absence dans leur foyer.
Tous ces chiffres pour vous faire comprendre la suite de ce récit.
Un matelot part donc de France un beau jour, laissant sa femme et son petit enfant de seize mois. Le bébé articule seulement quelques mots. Plus de sept mois après, voilà notre homme qui débarque, après ses deux tours d'Afrique effectués.
Il est tout content de retrouver un enfant qui, commençant à bien parler, à la vue de cet homme qu'il ne reconnaît plus, se cache dans les jupes de sa mère en disant
-"Qui c'est le monsieur, maman, encore un tonton ?"
Comprend qui veut !
Une blague pour finir ce chapitre
Un marin raconte à qui veut bien l'entendre.
-"Moi, quand je pars naviguer, et que je sais que je vais revenir à la maison en plein hiver, je planque mes chaussons et ma robe de chambre. Comme ça, en revenant, dans mon quartier, celui qui tousse, je lui casse la gueule".
Comprend qui veut. Bis !!
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Ma vie de marin de commerce (Le mal de mer)
Le mal de mer
Maladie psychique avant tout
Qui n'a jamais eu ou simplement ressenti une gêne sur des embarcations sur mer, ou tout simplement sur des fleuves ou rivières?
Le mal de mer est avant tout une maladie psychique, certains ne l'auront jamais, car ils ne s'en préoccupent pas, cela ne leur vient même pas à l'idée de se demander avant de prendre la mer:
-"Mon Dieu et si j'avais le mal de mer ?".
Par contre, il y a de fortes chances pour que des personnes peu sûres d'elles aient le mal de mer.
Dans mes huit années de navigation, je me suis amusé avec d'autres marins à tenter quelques expériences au sujet de ce maudit mal de mer.
Des novices nouvellement embarqués se plaignaient d'avoir à souffrir de ce fléau. Nous tentions de les rassurer et de leur faire comprendre qu'il ne fallait pas s'arrêter à des croyances peut-être fausses.
Leur mettant un bandeau sur les yeux, on les débarquait sur le quai, mais en leur faisant croire qu’ils étaient toujours à bord. Sûrs de ne pas avoir le pied marin, et se croyant sur la mer, ils se sentaient très mal à l'aise.
Le contraire était vrai également. Toujours les yeux bandés, on les promenait sur le pont, en leur racontant qu'ils étaient sur la terre ferme, ils se sentaient déjà beaucoup mieux. Mais, leur retirant le bandeau, et se voyant encore à bord, ils commençaient à se sentir mal.
Une histoire authentique pour concrétiser ces explications.
Sur un bateau, un jour de mauvais temps, le novice-machine va trouver le chef mécanicien et lui explique qu'il ne pourra pas descendre à la machine, car il ne se sent pas bien, bref, qu'il est victime du mal de mer.
Le chef ne l'entend pas comme cela, et ordonne au nono (pour lui donner une bonne leçon) de passer outre, et de travailler quand même. Il lui donne en plus le travail le plus pénible, et le plus salissant. Au fin fond de la machine, il devra nettoyer des caisses à huile, nauséabondes, et peu accessibles.
Le gamin en veut à mort à son supérieur, et tout à sa haine envers l'autorité, en oublie totalement... son mal de mer. Sa rancœur, forte surtout dans son esprit, est passée avant le soi-disant mal de mer, qui, relayé en second plan, ne l'effraie plus.
Le soir, le chef fait venir le novice et lui demande comment il va. Le jeune, encore sous le coup de la colère, lui explique qu’effectivement, il n'a jamais ressenti le mal de tout son temps passé dans la machine.
Le chef lui avoue que cette sanction était une leçon et non une punition, et qu’à l'avenir, elle lui fera le plus grand bien.
Gageons que ce nono n'aura plus jamais le mal de mer de sa vie.
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Ma vie de marin de commerce (Relève d'éqauipage)
Relève d'équipage
Par avion, au départ de Roissy-Charles de Gaulle
Souvent, sur les pétroliers/ les relèves se faisaient au bout du monde, pour la simple et bonne raison, que, vers la fin des années soixante-dix, la compagnie devait accorder aux marins le même nombre de jours de congés que de jours de bord, sans toutefois dépasser quatre mois au total de jours en mer, effectués en une seule fois.
Donc, dès que la barre des quatre mois était atteinte, et que le pétrolier se trouvait dans les parages du golfe Persique, une relève d'équipage avait lieu.
Cette relève partait de Paris. Tous les marins futurs embarqués, recevaient quelques jours auparavant à leur domicile un télégramme, avec une somme allouée pour la réponse, car dans la négative, l'armateur en prévenait un autre.
Quand le compte était bon (quand tout le monde prévenu répondait présent), tous se retrouvaient au siège de la compagnie maritime, là on faisait l'appel, on distribuait les billets d'avion (pas de billet collectif, car l'état-major avait droit aux premières classes, et les marins aux secondes).
Un car affrété pour la circonstance nous attendait et en route pour Roissy. Le nombre de futurs embarqués variait d'une dizaine à vingt individus. La relève complète d'un navire était interdite. Pour des raisons de sécurité évidente, il faut toujours avoir à bord des personnes connaissant bien le bateau, et qui feront le voyage du retour, comme ils l'auront fait à l'aller.
Imaginez trente personnes nouvelles, bien que connaissant le navire, embarquer toutes ensemble sur un bateau plein, au bout du monde, après quatre mois de congés. C'est impensable, il leur faudrait toujours avec elles des anciens.
Une fois à l'aéroport, l'agent de la compagnie ne nous quittait que lorsque le dernier de la relève avait franchi la porte de l'avion.
Un problème de dernière minute pouvait toujours arriver. C'est ainsi que pour un embarquement, je me suis retrouvé en première classe, les secondes étant complètes. Le futur novice aussi bénéficia de cette faveur.
Tant que les nouveaux embarqués ne sont pas dans leur élément à bord, on se trompe sur leur fonction si, bien sûr, on ne les connaît pas d'avance.
Pour ce récit, notre futur novice, qui avait son franc-parler, dut se mordre la langue.
Ne connaissant personne, et pour cause, ce devait être son premier embarquement dans notre société, il se trouva dans l'avion, à coté du chef mécanicien.
Par contre, notre chef mécano était connu pour avoir des tics nerveux, qui lui faisaient sans cesse remuer la tête, avec quelques grimaces pour compléter le tout.
De plus, il avait horreur de l'avion, ce qui accentuait encore un peu plus son défaut facial.
Notre brave nono, ne sachant rien de tout cela, croyait que son voisin de vol n'était autre qu'un simple matelot, au bout d'un moment, n'y tenant plus, lui lance une grande bourrade dans les côtes en s'exclamant ;
-"Ben mon vieux, t'as dû prendre une bonne cuite hier avant d'embarquer, pour avoir encore aujourd'hui la tronche que tu as".
Du coup, l'autre en oublia ses tics et, se retournant vers son agresseur, lui lança:
-«Petit con, sais-tu à qui tu parles au moins ? Je vais t'apprendre à insulter un chef, tu auras de mes nouvelles à bord ».
Heureusement que le nono était embauché comme novice-pont, et non machine, car je ne vous dis pas la vie que lui aurait fait mener son chef.
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Ma vie de marin de commerce (Les lâches)
Les lâches
Dix contre un, deux contre dix… et, courage fuyons
A
Mais leur lâcheté était légendaire et ils n'hésitaient pas à s'en prendre, lorsqu'ils étaient plusieurs, à l'un d'entre nous, pour lui faire un mauvais sort.
C'est ainsi que par une belle fin d'après-midi, mon travail terminé, je décidais d'aller faire un petit tour à terre.
A peine sorti du port, je remarque au loin, venant sur moi, poursuivi par toute une bande d'indigènes, un gars du bord qui, hors d'haleine, arrivant à ma hauteur, me cria :
-"Au secours Maurice, il vont me casser la gueule".
J'estimais ses ravisseurs à une bonne dizaine, mais j'arrêtais le collègue, en lui promettant qu'il ne craignait rien.
En effet, voyant leur proie stopper, et leur faire front avec mon aide, tout le monde se dissipa dans la nature.
Dix contre un était normal, mais deux contre dix leur faisait peur.
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