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Ma vie de marin de commerce (L'armée au secours des civils)
Epicerie type tenue par des chinois |
L'armée au secours des civils
Madagascar, rejet des conserves avariées
Lorsque le service sanitaire passait dans les boutiques d'alimentation, les petites de quartiers, ou les plus grandes, genre petites surfaces, il n'était pas rare qu'il interdise la vente de tel ou tel lot de boîtes de conserves, dont la date limite de vente avait été dépassée.
Les réclamations de ce genre de vente illicite étaient rares, car la plupart des clients ne savaient ni lire ni écrire, et lorsque les commerçants craignaient des retombées de la part de la clientèle, il suffisait de baisser le prix pour calmer tout le monde, et voir le produit partir malgré tout.
Mais, après le passage du service concerné, les invendables étaient confisqués et un service était nommé pour les charger sur des barges afin qu'ils soient emmenés au loin dans la mer, et y être jetés.
Ce procédé avait quelques petits inconvénients, car plusieurs jours après une saisie et un départ en mer des stocks confisqués, on voyait des familles entières envahir les couloirs des dispensaires pour réclamer des soins dus à un empoisonnement.
Des petits malins suivaient les barges au loin avec leurs pirogues, repéraient l'endroit où la mise à l'eau avait été faite, et revenaient plus tard repêcher les produits interdits pour les revendre ensuite à des familles démunies, à un tout petit prix.
Les services concernés se lamentaient de ce problème, et c'est la marine nationale qui trouva la solution.
Dorénavant, à chaque saisie effectuée, l'armée prenait en charge le container, elle le stockait dans ses casernes, et quand un certain volume était atteint, le tout était embarqué sur des barques énormes à fond plat, avec une sorte de sas et un système de mise à l'eau au centre, les engins appelés Marie-salope étaient remorqués très loin en haute mer, on ouvrait le sas, et le chargement tombait à la mer. Ainsi, seuls les requins avec leurs terribles mâchoires pouvaient se régaler de cette marchandise avariée.
Depuis cette trouvaille, jamais plus personne ne fut indisposé.
Vive l'armée !
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Ma vie de marin de commerce (Le petit frère))
Le petit frère
A Dada, à Madagascar
Les Malgaches très larges d'esprits ne se cachent pas pour faire les choses de la vie, si intimes soient-elles, témoin ce récit.
A Tamatave pour plusieurs jours d'escale, le premier soir déjà une jeune ramate partageait ma cabine. Le lendemain, profitant de plusieurs heures de repos, elle m'invita chez elle, pour visiter sa case.
Une fois visité son domicile, elle voulut à tout prix me faire des câlins, ne pouvant pas attendre le soir, dans la cabine.
En pleine après-midi, les grandes chaleurs de la saison obligeaient les indigènes à garder leur porte ouverte, pour donner un peu d'air à l'intérieur. Seul un rideau de bambou assurait une certaine intimité.
Tout à mon devoir de contenter ma compagne, je n'avais pas remarqué le jeune frère venu rendre une petite visite. Sans aucun bruit, il entra, et devant le spectacle de sa grande sœur chevauchée, il me grimpa sur le dos en criant.- "A dada, a dada".
Il n'était pas bien lourd, mais je le priai de descendre car j'étais quand même quelque peu gêné par la situation, mais elle me dit d'un ton si naturel :
-" Laisse-le chéri, il s'amuse ".
Que voulez vous répondre à cela ! Je laissais le petit s'amuser.
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Ma vie de marin de commerce (Le fanatique)
Le fanatique
La religion sacrée
Beaucoup de marins sur les bateaux français ne pouvaient pas admettre une autre religion que la leur.
Un aide-graisseur sur le «Ville de Rouen » était originaire des Comores. De ce fait il était musulman, avec les prières aux heures fixes, sur son petit tapis, toujours en direction de
Là n'était pas le problème, par contre en bon musulman, soucieux ne ne pas offenser Allah, il ne buvait aucune goutte d'alcool, rien qui pouvait de loin ou de près contenir ne serait-ce qu'un soupçon de boisson interdite par sa croyance.
Mais c'était sans compter sur les autres, ceux qui ne pouvaient comprendre qu'une telle foi existait.
Un jour de pot pour un anniversaire ou je ne sais plus quel motif, tout le bord est réuni pour un apéritif général. Mon Comoréen avait comme à l'habitude son verre de jus de fruit pour trinquer comme tout le monde en cette occasion, mais voilà qu'un matelot peu intelligent lui sert un verre de Marie-Brisart, en lui jurant dur comme fer que ce n'est que du sirop de menthe, garanti sans alcool.
Confiance totale en son collègue, le breuvage est avalé d'un trait. Une fois le verre reposé, on lui apprend qu'il vient de boire de l'alcool. Atteint dans sa dignité, il s'enfuit dans sa cabine. Ayant suivi la scène d'un bout à l'autre, je pensais que cela allait mal finir, et je frappais à sa porte. Il refusait d'ouvrir, disant qu'il avait gravement offensé son dieu, et que de ce fait il devait se donner la mort.
J'étais mal parti avec un raisonnement pareil, mais je trouvais la parade pour me faire ouvrir. A travers la cloison, je lui criais que j'allais défoncer sa porte, et qu'il en serait tenu responsable, mort ou vivant.
Cela marcha, déjà une offense pour un verre interdit, il ne voulut pas aggraver son cas avec une détérioration de bien qui ne lui appartenait pas. Il me fit entrer dans sa cabine. il était en prière, et cherchait le moyen de se donner la mort.
A force de discussions sur le pourquoi de son geste, je réussis à lui faire comprendre que son esprit était serein au moment où il but le verre, car il pensait vraiment qu'il n'y avait aucun alcool dedans, et que le seul coupable était le matelot qui l'avait servi.
Il m'écoutait gravement, et se remit en prières. Après un temps qui me parut interminable, il se calma sur ses intentions funestes pour me dire qu'ayant accepté les faits que je lui soumettais, il fallait que le coupable soit châtié, et il m'expliqua qu'il se devait de tuer lui-même le fautif pour calmer la colère d'Allah.
Comme je ne voulais pas plus que lui ou qu'un autre ne soit tué pour si peu de choses à mes yeux, je me devais d'informer le Commandant sur les intentions de ce fanatique qui était près à se sacrifier ou à commettre un meurtre pour le repos d'Allah.
De se faire sermonner dans sa cabine par la plus haute autorité du bord suffit pour que notre homme promette de se calmer. Je crois aussi que le verre avalé d'un trait avait quelque peu aggravé sa condition, et que plus le temps passait, plus les effets de l'alcool se dissipaient
Je restais encore un moment avec lui après le départ du Commandant, à discuter de choses et d'autres, et je le laissais enfin seul quand je fus certain qu'il ne songeait plus à faire justice.
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Ma vie de marin de commerce (Les geôles nautiques)
Les geôles nautiques
Le Cap, l'arrestation provoquée
Les anciens racontaient une histoire si incroyable sur les prisons de la ville du Cap, en Afrique du Sud, que je décidais de m'en rendre compte par moi-même.
Profitant d'une traversée France / Le Golfe, où nous avions toutes les chances de faire une courte escale de mazoutage, je mis mon projet à exécution.
Il fallait pour cela faire une petite infraction, juste ce qu'il fallait pour passer la nuit au commissariat, et ce que je découvris dépassait tout ce que l'on avait pu me dire sur le sujet.
Me faire embarquer par la police ne fut pas trop compliqué, je jouais le marin ivre mort, qui marchais en zigzaguant dans les rues de la ville.
Un véhicule de patrouille me prit en surveillance et me suivit discrètement, ïï fallait les "agacer", pour que l'arrestation ne fasse aucun doute dans leur esprit. Je trouvais rapidement la solution en faisant mine de me "soulager" devant un mur.
S'en était trop pour eux, le délit à leurs yeux était flagrant, ivresse sur la voie publique, uriner en pleine rue, je fus appréhendé sur le champ et emmené au poste sans ménagement.
Avoir toujours l'air "bourré" a été le plus dur pour moi, car je craignais qu'ils ne découvrent que je n'étais pas plus ivre qu'eux, ce qui aurait cassé mon plan.
Trop content de leur prise, et après un rapide interrogatoire de routine (je ne parlais pas un mot d'anglais, et ces messieurs pas du tout ma langue) ils me jetèrent dans une de ces fameuses geôles dont tout le monde parlait, sans connaître vraiment le fin fond de l'histoire.
Je me trouvais donc en première ligne pour découvrir ce qui m'attendait.
Ma cellule était toute petite, environ deux mètres sur deux, et guère plus haute, mais ce qui surprenait "l'invité", c'est que les cloisons étaient métalliques et la porte qui se refermait sur moi était d'une épaisseur peu habituelle, et surtout munie d'un hublot.
En avoir entendu parler est une chose, mais être si près m'excitait terriblement. Les idées dans ma tête n'eurent guère le temps de se bousculer, que déjà l'eau arrivait par le sol sortant de je ne sais où.
L'insouciance de la jeunesse, la méconnaissance de l'apartheid du moment dans ce pays firent que je ne m'affolais pas le moins du monde, mais tout cela était bien beau, je n'allais quand même pas mourir noyé par bêtise, tout simplement pour vouloir être sûr de ce que certains racontaient sans preuve.
Une petite panique m'envahit, mais de courte durée. Un projecteur étanche éclaira la pièce et, oh miracle, la lumière pourtant faible fut suffisante pour me laisser apercevoir dans un coin, un levier que l’on devait actionner horizontalement, et qui était tout simplement l'axe d'une pompe à bras. Quand ce levier était manœuvré rapidement et assez longtemps, le niveau de l'eau baissait. Vous arrêtiez de pomper, le niveau remontait.
Le but des geôliers étaient de faire avoir la trouille de leur vie aux patients qui méritaient le droit d'entrée en ces lieux maudits.
La peur panique céda la place à la curiosité, et une bonne partie de la nuit, je pompais. Voulant voir jusqu'où irait la méchanceté de mes bourreaux, de temps en temps, j'arrêtais de manœuvrer. On devait quand même me surveiller de près, car dès que l'eau arrivait à hauteur de mes épaules sans que je fasse un geste, le niveau descendait.
Avec le recul des années, la sagesse, et les connaissances de ce qui se passait dans ce pays, je me dis que j'ai eu de la chance, car si mon geôlier avait eu la pensée de ne pas évacuer l'eau lui même quand le niveau montait si haut, comme il devait l'avoir fait certainement avant moi, pour des "punis de couleur", je ne serais pas en train de vous raconter cette histoire tranquillement installé devant mon ordinateur, le soir, après mon travail.
Pour en finir avec cette expérience personnelle, le jeu devait lasser mes tortionnaires, car après quelques heures de ce supplice, l'eau s'évacua entièrement de ma cellule, et ce fut le calme complet jusqu'au petit matin, pendant que je récupérais la fatigue de mon travail forcé.
Ensuite, tout alla très vite, dès que la porte s'ouvrit, on me fit sortir sans ménagement, et jeté dehors sans autre forme de procès.
Riche de cette expérience, je pouvais enfin parler de ces fameuses prisons aquatiques.
J'en revenais !
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Ma vie de marin de commerce (Renard, ton nom !)
Renard, ton nom !
Sorties en boite au Cap
Les escales du Cap n'étaient pas chaudes comme d'autres ports où les filles, faciles ô combien, montaient à bord le bateau à peine à quai.
Dans cette ville, les prostituées avaient leur quartier, comme Pigalle à Paris, ou la rue Thubaneau à Marseille. Hormis ces lieux, on ne trouvait pas de compagnie galante.
De toute façon, pour mon cas personnel, ce genre de liaison ne m'intéressait pas, car "aller aux putes", classiquement dirais-je, ne me disait rien. Je préférais de loin la méthode marin; à savoir, celles qui traînaient sur le port et n'avaient pas froid aux yeux pour monter volontiers à bord.
Comme il n'y avait rien de tout cela au Cap, on se vengeait sur les sorties en boîtes. Pas nos boîtes à la française, où l'on vient danser sur des musiques endiablées en buvant n'importe quoi, sans oublier de fumer un joint dans les chiottes, pour faire comme tout le monde.
Non, dans les boîtes au Cap, tenue correcte exigée, sobriété et bonne tenue conseillée, sinon on se faisait jeter dehors comme un malpropre.
Pas de piste de danse, une scène où, à longueur de soirée, des danseuses à moitié nues se dandinent mollement au gré d'une musique toujours semblable, pendant que l'on vous servait de la bière tiède, ou des alcools très légers.
De plus, à l'entrée, il fallait présenter patte blanche, c'est-à-dire que tous les noms des entrants étaient consignés sur un registre.
Pour mettre un peu d'ambiance, et rigoler entre nous, votre serviteur, le Maître-électricien Renard s'est fait appeler : Surcoût, d'Artagnan, Ravaillac et même Jeanne d'Arc (il fallait oser).
Un peu de déconne de temps en temps ne fait de mal à personne.
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